Entre Grasse et Aix-en-Provence
Louis Bellaud est né en 1543 dans la ville de Grasse, il est issu d’une famille appartenant à la noblesse de robe. Son père est docteur en droit ; sa mère, Agnès, est d’origine arlésienne. Mais c’est à Aix-en-Provence que le poète s’installe ensuite, il y est « praticien » en 1561 ce qui signifie qu’il est en apprentissage auprès d’un greffier, d’un procureur ou d’un avocat. Ensuite son parcours professionnel est peu visible… Son statut semble rester précaire, à l’inverse de ses frères Guilhem et Jean-Baptiste qui deviennent respectivement avocat et chanoine.
De ville en ville
C’est certainement lors de ses années d’étude qu’il se met à la poésie, au sein d’un milieu judiciaire au fait des modes littéraires de son temps. Il côtoie la noblesse et la bonne société provençales qui se retrouvent dans les rues d’Aix, ville de pouvoir, siège du Parlement. Il fréquente également Avignon ainsi que Salon-de-Provence, Arles, Carpentras : chaque ville est associée à des amitiés nombreuses, sources d’inspiration d’une poésie qui chante les repas, les fêtes, les rencontres et les instants partagés.
L’impossible équipée militaire
En 1572, Louis Bellaud s’engage dans une équipée militaire. C’est à cette époque qu’il hérite certainement du titre de « capitaine ». Il erre pendant sept mois entre Bordeaux et Poitiers. L’amiral Philippe Strozzi y rassemble toute une flotte pour le roi de France. Charles IX souhaite inquiéter les navires de Philippe II qui rejoignent la Hollande pour combattre l’insurrection protestante. Mais cette flotte mal équipée ne partira jamais. Le massacre de la saint Barthélémy rebat les cartes du jeu politique, le roi abandonne ses projets belliqueux contre l’Espagne. Bellaud est donc démobilisé et sommé de rentrer en Provence. Désargenté, il tente de rejoindre le Rhône via l’Auvergne. Il est fait prisonnier alors qu’il passe par Chantelle, dans l’actuel Allier.
La prison de Moulins
Bellaud est emprisonné le vingt novembre de l’année 1572, pour des raisons encore obscures (vagabondage, vol, méfiance envers les soldats en période de troubles?), dans une tour de la ville de Moulins. C’est depuis sa cellule qu’il écrit son premier recueil de sonnets, à la manière d’un journal d’incarcération, évoquant les dures conditions de sa rétention mais aussi les souvenirs d’une douce vie provençale. Ce n’est qu’au printemps de l’année 1574 qu’il est élargi. Il s’empresse de retrouver la Provence et s’installe à Aix.
La prison d’Aix
Bellaud retourne en prison en 1583, cette fois-ci à Aix-en-Provence. Nous n’en connaissons pas non plus les raisons (problèmes d’endettement?). La prison sous l’Ancien Régime ne constitue pas encore une peine en soi, elle n’est que préventive et vise à garder l’accusé tout au long de l’instruction de son procès. C’est dans le Palais comtal que Bellaud est incarcéré. Cette nouvelle mésaventure judiciaire lui inspire un long poème composé de stances régulières qu’il publie probablement pour la première fois en 1584. Il évoquera plus tard, au détour d’un sonnet, une autre mise aux fers, toujours à Aix, dont la date est incertaine. Encore plus que ses prédécesseurs français Villon ou Marot, son écriture est donc intimement liée à l’expérience carcérale.
À la cour du gouverneur
Louis Bellaud trouve malgré tout une place dans la société provençale. En 1577 il est « serviteur ordinaire » puis il est qualifié « d’écuyer de la ville d’Arles » et de « membre de la maison et compagnie d’ordonnance du Grand Prieur de France », Henri d’Angoulême, en 1584. Il fait donc partie de la garde rapprochée du nouveau gouverneur de Provence qu’il suit dans ses déplacements à travers un pays ravagé par les guerres de religion. Il rencontre le jeune François de Malherbe, mais aussi Louis Galaup de Chasteuil et de nombreux autres passionnés des Belles Lettres. Si la plupart écrivent et publient en français, Bellaud, quant à lui, a fait le choix presque exclusif de la langue d’oc. C’est à la cour du gouverneur qu’il poursuit son œuvre poétique et semble acquérir une certaine reconnaissance littéraire.
L’œuvre posthume et la république de Marseille
Quand Henri d’Angoulême est tué, en 1586, lors d’un duel à l’épée, le poète perd son protecteur. Le nouveau gouverneur, le duc d’Épernon, n’est pas un amateur de poésie… Louis Bellaud se retire à Grasse, auprès de sa famille, où il meurt en 1588. Entre temps, un ami cher, Pierre Paul, rassemble et sauve ses écrits éparpillés. Il travaille en vue de leur édition, chez lui, à Marseille. Il attend le bon moment. L’occasion se présente en 1595 avec la prise de pouvoir de Charles de Casaulx dans la cité phocéenne qui s’organise en république indépendante. Pour la première fois de son histoire, une imprimerie est installée dans la ville. Pierre Paul concrétise son projet : le recueil posthume de Bellaud, intitulé Obros et Rimos prouvenssalos, est le premier livre jamais sorti de presse à Marseille.